La Conf de ta life

La Conf de ta life

Compagnie La Sensitive
au Théâtre de l’Arsenal du 8 au 12 mars

Texte : Isabelle Paccalet

Plateau ceint de bâches blanches. Dans un coin, une table : aux commandes, la conférencière discourt. En diagonale, un bac plein de terre, quelques outils, une chaise, une échelle : l’acrobate s’affaire. La scène est un studio, une arène, un camp de réfugiés, le monde…

 

 

Il court là, innocent et joyeux. Il découvre l’eau, le feu et invente les mots pour s’y brûler. Des mots filaments qui le lieront aux autres. Avec la maîtrise du feu, l’humain a gagné sa liberté. Puis il s’est mis au centre de tout pour dominer. Quelques étincelles plus tard, il n’a rien vu venir, les flammes ont gagné et la Terre a trop chaud.

Aujourd’hui, c’est « la conf de sa life ». Il court paniqué, sur fond de discours scientifiques lénifiants, insipides, ennuyeux. Il court à en perdre ses mots. Il tente de tracer des courbes sur ce mur auquel il sera bientôt acculé, comme pour mieux imaginer ce qui va lui arriver, car cela est dit et répété : « Tout doit disparaître. » Tout, y compris lui, l’humain. Il court à sa perte, la conférencière le ressasse. L’acrobate donne toute son énergie, en vain. Dos au mur, l’humain n’est qu’un point sur le tableau surencombré de l’univers. Elle lui dit : « Sois 365 personnes avec leur contenu de panique. » 365 spectateurs qui ne seront pas là aujourd’hui ? Aujourd’hui, Covid oblige, le théâtre est vide. Il court encore, en appelle à tous, c’est-à-dire à personne. Monte dans la salle, interpelle. En l’absence de public, le silence est éloquent.

 

 

Alors, il va creuser la terre, chercher des solutions du côté de l’animal. Mais faire la taupe aveugle et faire l’autruche assomme. Prendre de la hauteur ? Inutile. Se perdre ensemble dans une danse folle pour oublier ? Tenter un air de pipeau, un cantique, parce que « cela a déjà sauvé des millions de personnes » ? Il n’y croit guère. Ou bien tout nettoyer, tout cacher ? En vain…

Il, c’est nous. Il, c’est cette femme, un jour de feu sur la planète : 43 degrés à l’ombre, elle prend une tomate à l’étal de l’épicerie et s’y brûle la peau.

 

 

Il, c’est l’humain, point minuscule en sa panique, si seul en un théâtre vide.
Par la puissance de son corps, en partageant son énergie du désespoir mieux que tous les discours, l’acrobate nous communique la panique. Mieux que toutes les conférences, il dit l’humain qui court à sa perte. Nous courons tous avec lui au bord du monde.