Le poids des choses

Le poids des choses

Camille Boitel
2 octobre 2020

Textes : Marie Nimier

Promis, juré, Camille : je ne dirai rien. Je ne ferai pas un copié-collé des images choc du Poids des Choses. Ni un best off poético-jubilatoire — le genre de bande-annonce qui accroche ton regard sur le Net, et tu attends tout le spectacle que les scènes annoncées adviennent. Et quand elles adviennent, tu ne découvres pas : tu reconnais. Tu te dis : ah bon, c’était ça ?

 

 

Même si je le pense, promis, juré, craché par terre : je ne dirai pas que vous êtes géniaux, Sève et toi. Je mettrai tout en œuvre pour ne pas créer la déception.

Je vais écrire un texte ni fait ni à faire.

Camille tire ses longs cheveux en arrière.
— Il faudrait que je les attache, dit-il en regardant vers les coulisses d’un air distrait.
Autour de lui, un sombre bric-à-brac et des élastiques munis de harnais qui tombent des cintres, mais rien pour les cheveux. Ou alors les cheveux d’un géant.
Rotations poignets, rotations chevilles, Sève s’échauffe.

La chaise, elle est où la chaise ?

Sève interrompt ses échauffements. Elle se tourne vers nous. Ce sera un filage sans le texte, nous prévient-elle, normalement Camille parle beaucoup. Il n’y aura pas les costumes non plus, ni tous les accessoires.
— Et puis, ajoute Camille qui, malgré son air perdu, n’en perd pas une, les chapeaux rouges, là, posés sur la barre, eh bien ce ne sont pas des chapeaux.
Son visage s’illumine. Sève plisse à son tour les yeux. Sous les masques, on devine un grand sourire.
— Les chapeaux, traduit Camille, ce sont des haltères !
Patrick lève le nez de ses peintures. Désaltère ?
— Des / haltères, articule Sève en mimant le geste de soulever non pas le coude, mais de la fonte.
—  Alors je peins des boules noires au bout de la tige ? demande Patrick.
— Oui, c’est ça, des boules noires à la place des chapeaux.

 

 

Le poids des choses, c’est le titre du spectacle, alors des haltères, oui, ça tombe sous le sens, comme tombent les lettres qui brillent sur le rideau, en fond de scène, pendant l’entrée du public. Une par une, dans un bruit de ferraille, elles se détachent. Le noir se propage, le décor s’anime. Lit, balances, tables et chaises vivent la vie des objets — de ceux, pour citer le poète Claude Royet-Journoud, qui contiennent l’infini.
De ceux qui cherchent à se dépêtrer de l’emprise des humains.

Le lit avale le dormeur du Val

— J’ai une grande salade de pâtes de riz, propose Camille, assez pour tout le monde. Si ça vous va, on peut ajouter un pamplemousse et un avocat.
C’est ça, Camille, tout ce que tu veux, on te suit, on vous suit, même la salade de pâte de riz on se l’engouffre, et on en redemande.