Ensemble

Ensemble

Mélanie Lomoff et Ahmed Slimani
au Théâtre de l’Arsenal du 8 au 12 mars

Texte : Isabelle Paccalet

Cinq jours pour vingt minutes. Cinq jours de résidence dans le studio de répétition de l’Arsenal pour préparer vingt minutes de chorégraphie. « Ensemble » sera présenté bientôt à des enfants de 3 à 10 ans.

 

 

Quand j’entre, je ne les vois pas et pourtant ils sont là, si présents sous la bâche. Mélanie et Ahmed. Elle chorégraphie ; ensemble, ils dansent. Ils sont deux. Et au milieu d’eux, sur eux, sous eux, avec eux, contre eux, la bâche. Elle a sa voix : elle bruisse, elle crépite, elle frémit, et sous leurs doigts, leurs membres, leurs pieds, elle prend vie. Parfois, ils la voudraient inerte, disciplinée, et pourtant sa matière s’impose. Ils en jouent et la domptent. Elle est leur terre, leur ring ; leur enveloppe, leur mue ; sur leurs corps, c’est une aile, une vague, une grotte, une peau de bête. Sont-ils deux ou trois ?

 

 

Ils sont bien plus que ça. De leurs corps de danseurs, la bâche fait naître d’autres silhouettes : Vénus sortant des eaux, Penseur de Rodin, génie d’Aladin, Sirène… et toutes les métamorphoses que l’enfant en nous sait encore imaginer. Soudain, les courbes s’estompent. Géométrie, angles et diagonales, la séduction se fait attaque… pour mieux devenir dialogue. Un moment, lentement, la femme disparaît. Puis renaît et sort de sa chrysalide. Suspense, surprise… Le solo qui suit, nous ne le verrons pas. À peine, osons-nous l’imaginer, sur « Solitude » de Henry Purcell chanté par Rosemary Standley. Faute de temps, les solos seront mis au point individuellement, partagés en visio. Bribes de spectacle travaillées dans le désordre. Tout est pensé pour ne pas laisser les minutes se disperser. Tout s’écrit dans les corps, les mouvements s’y mémorisent ; la caméra et le carnet de notes semblent accessoires. Les regards sont connectés. Le temps compté gagne une folle intensité. Pas un geste de trop, aucune dispersion.

 

 

Une pause : Mélanie met des mots sur les images qu’elle veut créer. Son corps s’immobilise, seules ses mains dansent au rythme des idées qui l’habitent, exprimées avec urgence. Ahmed absorbe cette passion. Intensité de la réflexion et du partage.

 

 

Ensemble, Mélanie et Ahmed s’émerveillent des peintures de Patrick. Par elles, leur répétition prend des ailes. Leurs corps existent dans le regard d’un autre et vivent sous ses pinceaux.

 

 

Pour nous qui les regardons danser, le temps est déjà presque celui de la scène.  Mélanie et Ahmed sont « ensemble ». Nous sommes « ensemble ». Intensément.